Alors que l’époque est aux classements, Bruit de Table affirme sa position résolument en dehors des modes. Aussi, plutôt que la liste des 15-22 ans qui comptent dans la gastronomie vegan urbaine d’aujourd’hui, nous avons choisi de plonger au cœur du système en vous offrant une enquête en exclusivité exclusive, dont nous sommes fiers d’être les premiers à vous livrer la primeur avant tous les autres, qui ne seront jamais les premiers du coup. Pour cela, nous sommes allés à la rencontre de David Sucefeuille, chef emblématique de sa génération, qui a bien voulu nous ouvrir ses portes pour comprendre comment, aujourd’hui, les chefs avancent dans un monde 2.0 où la communication est omniprésente.
CL: David, tu bénéficies d’une aura privilégiée auprès de tes confrères, qui louent ta cuisine profondément ancrée dans le terroir et centrée sur le produit. L’automne est là, peux-tu nous dire un peu comment tu as mis en place ta nouvelle carte ?
DS: C’est très simple, on a travaillé 2 mois avec Thierry.
CL: C’est ton second ?
DS: Non, non, c’est mon community manager.
CL: ?
DS: Bah oui, on ne peut pas faire sans, aujourd’hui ; non seulement il m’aide à être présent sur les réseaux, mais en plus il me tient au courant des tendances qui circulent sur ces mêmes réseaux, ce qui me pousse à adapter mon offre.
CL: C’est-à-dire ?
DS: Bah, tu vois, par exemple, j’étais parti sur un lièvre à la royale, parce que j’aime la recette et qu’on est en pleine saison de la chasse ; heureusement, Thierry, toujours vigilant, m’a alerté sur le dernier tweet de @Ophélie_Mode&Gourmandise : « non mais allo quoi on ait au 21e siècle et y’a encore des gens qui tire sur les animaux sauvage » ; il a été retweeté 23 457 fois. Du coup, j’ai senti qu’il fallait corriger… le tir ! (rire). Bref, on est parti sur du lapin d’élevage. Un lapin à la royale, quoi.
CL: Qui est à la carte, donc ?
DS: Haha, non, parce que là encore, Thierry m’a sauvé. Bah ouais, alors que la recette était au point, y’a @Cynthia_mon_cul_et_ma_cuisine qui a posté une photo d’elle allongée avec un lapin sur le dos. Vu qu’elle a 112 000 followers sur Insta, forcément, on a senti que c’était pas bon pour nous, ça. Alors j’ai laissé tomber et je suis parti sur complètement autre chose.
CL: Quoi donc ?
DS: Bah Thierry a vu que Michel, le type du blog Michel le plombier qui sait aussi cuisiner, a fait un carton avec son dernier post sur une recette de boulettes de houmous de lentilles roulées dans des feuilles de chou kale. Même si a priori c’est pas trop mon truc, on sent quand même qu’il y a une vraie tendance, alors je m’y suis collé, et je pense que j’ai réussi à faire quelque chose de pas trop mal au final.
CL: C’est donc un des plats de la nouvelle carte ?
DS: Oui, oui ; mais on a été plus loin. Parce qu’aujourd’hui, tu peux pas juste penser l’assiette, faut penser la salle, aussi, les gens veulent le show. Et là encore, c’est Thierry qui m’a soufflé la bonne idée : il est tombé sur la chaine YouTube de Miguelito-el-cocinero, qui a plus de 3 millions d’abonnés et qui cuisine torse nu. Là encore, on a vite compris qu’il fallait suivre la tendance.
CL: C’est-à-dire ?
DS: Bah du coup, maintenant, je suis nu sous mon tablier, et pendant le service, je viens apporter moi-même les plats aux clients.
CL: Et… ça marche ?
DS: Bah disons que pour le moment, on est à environ 3 couverts le midi, un peu plus le soir, contre une quarantaine avant. Mais ça ne veut rien dire, ça fait juste une semaine que le nouveau concept est en place, faut qu’on se rôde. Mais je reste confiant, on a les influenceurs avec nous.
Christophe Lavelle
Chercheur au CNRS et au Muséum National d’Histoire Naturelle, à Paris
Formateur à l’ESPE pour les professeurs de cuisine
Co-fondateur du Food 2.0 LAB
Dernier livre paru : « Toute la chimie qu’il faut savoir pour devenir un chef ! » (Flammarion)
Du même auteur, sur Bruit de Table :
> Le sandwich et le sushi
> Salle combl(é)e
> La nouvelle nouvelle nouvelle cuisine
> Le lapin, le cresson et ta mère